« J’ai failli tout perdre »
Denis Desrochers a « fait » de la pomme de terre pendant 22 ans, perpétuant ainsi une tradition familiale. « Quand j’étais petit, mon père faisait de la pomme de terre et du tabac. Un de mes grands-pères cultivait aussi de la pomme de terre et l’autre du tabac », se souvient l’homme dans la cuisine de la maison familiale de Saint-Paul-de-Joliette.
C’est en aidant son père à cultiver le tabac que Denis commence lui aussi à pratiquer le métier de cultivateur. Il vit du tabac pendant une quinzaine d’années avant de se consacrer entièrement, en 1986, à la pomme de terre. « Avec le tabac, je trouvais qu’on ne travaillait pas assez : on faisait quatre mois par année seulement. Ça ne me suffisait pas : j’aime ça travailler fort. Je suis allé vers la pomme de terre parce que ça prolongeait la saison. J’avais aussi le sentiment que le tabac allait diminuer… Puis je me disais que de la pomme de terre, on allait toujours en manger et que le pâté chinois, ben ça resterait à la mode. »
Denis Desrochers a débuté avec 25 acres de terre à une époque où les distributeurs pour les marchés ou les familles venaient directement sur place chercher des sacs de 50 ou 75 livres. « Dans ce temps-là, tout le monde avait des caveaux et s’approvisionnait à l’automne. Des familles pouvaient partir avec 20 ou 30 poches. »
Six ans après ses débuts dans la culture de la pomme de terre, en 1992, Denis Desrochers était déjà un des plus gros producteurs de la région. « Ce n’était pas facile. Il fallait tout faire : la livraison, la négociation, le budget, la machinerie… J’étais tout seul là-dedans et c’était dur. » Pourtant, pendant ces années, quand il se voit offrir par l’industrie de bons emplois dans des bureaux, il refuse net. « Je n’étais pas capable. J’avais besoin d’être dehors. J’ai essayé un petit moment, mais même l’été, je venais faire les récoltes. »
Malgré les défis, à cette époque, les choses vont bien pour la ferme familiale Desrochers. Tellement que Denis prend des ententes pour vendre directement à Provigo, puis signe un contrat avec Club Price.
C’est à ce moment que le producteur fait le pari de se consacrer uniquement à la production de pommes de terre pour la fabrication de croustilles. « Je pensais que c’était un bon choix, j’ai fait affaire avec de grosses compagnies de chips, mais ça n’a pas été de bonnes relations. J’ai failli tout perdre. »
Heureusement, Denis et son fils Francis ont décidé à temps de revenir vers la pomme de terre de table. Aujourd’hui, sept ans après s’être retiré de l’industrie et avoir vendu l’entreprise à Francis et sa conjointe Ninon Perreault, Denis est fier de ce qu’est devenu Maxi-Sol, producteur et emballeur de pommes de terre qui, avec ses 1 150 acres de terre, dont 400 sont consacrés à la pomme de terre de table, est toujours l’un des plus importants de la région.
L’entreprise produit maintenant une douzaine de variétés et la famille est particulièrement fière de sa Vivaldi, importée de l’Île-du-Prince-Édouard et qu’ils ont été les premiers à cultiver au Québec. « C’est une bonne patate à chair jaune avec juste le bon sucre, qui est parfaite en cuisson et excellente pour des frites. Elle est oblongue et sa peau est lisse. C’est une belle et bonne patate goûteuse », assure Francis Desrochers.
Les pommes de terre des Desrochers sont distribuées dans les chaînes, les marchés, les hôtels et les cantines de la province. « Mais idéalement, l’achat à la ferme est toujours le meilleur choix pour s’assurer d’avoir une pomme de terre fraîche », explique Francis.
Aujourd’hui, à côté de la maison familiale de Saint-Paul-de-Joliette, des centaines et des centaines de pommes de terre sont conservées dans de vastes entrepôts sombres, puis triées, lavées et mises en sac avant d’être dirigées au quai de chargement, puis embarquées dans les camions des distributeurs qui les mèneront à bon port.
Par un bel après-midi d’automne, c’est là que se trouve Ninon qui dirige les opérations. En surveillant d’un oeil que tout continue à bien se dérouler, la jeune femme fait visiter les lieux, avance dans les entrepôts, salue les travailleurs, encourage un employé, prend un appel, vérifie la liste de commandes puis dit, avec le sourire : « On se complète vraiment bien, Francis et moi, et nous avons un but commun : toujours nous améliorer ! C’est un défi constant qui est très stimulant ! »